Quelle est la signification psychologique du deuil?
Le deuil peut-il s’aggraver?
Y a-t-il des personnes plus exposées aux complications d’un deuil?

Textes de Swiss Web santé publique – prévention – promotion de la santé

  1. Quelle est la signification psychologique du deuil?

Le processus du deuil est l’expression manifeste des effets du travail psychologique inconscient qui s’effectue (travail du deuil) au travers de la souffrance et d’un mouvement de régression psychique. Il se fait essentiellement dans trois dimensions :

La reconnaissance de la réalité de la perte. Elle n’est pas immédiate. Cette réaction de refus est tout à fait normale. Elle sera peu à peu dépassée, mais un certain temps est nécessaire. La reconnaissance est porteuse de détresse et de souffrance. Sans souffrance il n’y a pas de deuil. Le renforcement des liens intérieurs avec la personne perdue. Toute la vie de la personne en deuil y est consacrée. C’est au travers de la reviviscence des souvenirs que s’effectue le nécessaire travail de détachement vis-à-vis de la personne disparue.

La prise en compte des sentiments inconscients de culpabilité. Elle est également nécessaire au cheminement du travail de deuil et responsable en partie de la douleur. Ces sentiments sont en relation avec la nature toujours ambivalente de tous les attachements, même si nous refoulons immanquablement les tendances hostiles qui ne manquent pas de les accompagner, au moins à certains moments.

Il serait erroné de comprendre le détachement du travail de deuil comme une nouvelle perte, celle-ci intérieure, de la personne disparue. Il s’agit bien plutôt d’une transformation de la relation qui existait avec la personne aimée décédée. Après quoi, les souvenirs deviennent quasiment inaltérables. La difficulté vient plutôt du renoncement à un avenir commun qui n’est plus possible.

  1. Le deuil peut-il s’aggraver?

Le deuil peut se compliquer sur les plans physique, psychologique et comportemental.

          a) Sur le plan physique : des complications peuvent survenir assez rapidement, en particulier dans le domaine cardiovasculaire, mais elles sont souvent différées au cours de la première année du deuil et parfois bien au-delà. Une maladie chronique préexistante peut se décompenser sous l’effet d’un tel traumatisme. Mais il n’est pas assez connu des médecins que le deuil a un effet déstabilisant sur la santé physique.

De grandes enquêtes épidémiologiques ont montré de manière indiscutable une surmortalité significative chez les personnes en deuil et tout particulièrement chez les hommes d’un certain âge. C’est aussi chez eux qu’est retrouvée une surfréquence de suicide et d’accidents dans les suites du deuil. La santé physique des femmes est atteinte dans de bien moindres proportions. L’explication vraisemblable de cette différence se trouve dans le fait que les hommes, surtout les plus âgés, ne savent pas manifester leurs émotions douloureuses; ils ont habituellement tendance à se renfermer, à transférer sur un excès de travail, un abus d’alcool ou de tabac.

          b) Sur le plan de la santé mentale : des manifestations bruyantes et désordonnées durant les premiers temps du deuil n’engendrent pas nécessairement de complications. Au contraire, la principale et première complication psychologique du deuil est son absence : l’endeuillé ne paraît pas souffrir; il n’en montre rien; il n’en parle pas. Il semble continuer comme si de rien était. Mais nous savons que le deuil est inévitable et obligatoire et qu’il devra se manifester un jour ou l’autre d’une manière ou d’une autre. Les absences apparentes de deuil sont très préoccupantes.

Les autres complications psychologiques du deuil sont constituées par l’échec des mouvements psychiques qui doivent normalement s’opérer :

  • Le refus de la réalité n’est pas dépassé ; il devient un déni.
  • L’intériorisation ne donne pas lieu à une séparation, mais à la poursuite d’une vie illusoire avec le défunt à l’intérieur de soi, des identifications négatives se font jour, en particulier avec les symptômes de la maladie de la personne perdue.
  • Des sentiments inconscients de culpabilité trop forts entraînent, par projection, la peur de la vengeance du mort, la crainte des revenants et des mauvais esprits.

          c) Sur le plan du comportement, le deuil se complique essentiellement par la prise de risques pouvant conduire au suicide, à la mort par accident et par des ennuis d’importance variable.

Y a-t-il des personnes plus exposées aux complications d’un deuil?

Toutes les personnes fragiles de manière habituelle ou fragilisées temporairement par des circonstances particulières, que ce soit sur le plan de la santé physique, de l’équilibre mental ou de l’insertion sociale sont sujettes à ressentir plus durement les effets traumatisants du deuil. Les personnes à risque sont :

  • Les malades, que ce soit physiquement ou mentalement ;
  • Les personnes présentant des troubles de la personnalité sans pathologie mentale déclarée ;
  • Les personnes immatures qui entretiennent des relations marquées par une grande dépendance et une intense ambivalence ;
  • Toutes les personnes solitaires et isolées.

Les difficultés proviennent ainsi :

  • Des circonstances tragiques de la perte, accident, catastrophe, assassinat, morts multiples, disparitions, etc.
  • Une circonstance du décès peut rendre également le deuil plus difficile : c’est le cas du suicide,
  • De la nature de la personne disparue : le deuil d’un enfant est toujours très difficile même s’il était encore très petit.

Les personnes âgées constituent une autre population à risque.

À cet âge, les risques du deuil sont surtout représentés par une détérioration éventuelle de la santé physique et par la solitude qui peut devenir un facteur de dépression lorsqu’elle est trop importante et mal supportée. La mortalité chez les veufs âgés est particulièrement importante ; elle est plus modérée chez les veuves. Les deuils, au grand âge, décompensent souvent les affections chroniques en cours et révèlent des perturbations somatiques bien tolérées jusque-là.